L’art du foot au Brésil

L’art du foot au Brésil

 

1989, l’éditeur vient chez moi,  à São Paulo, et me propose d’écrire un livre sur le foot. « Vous avez écrit un livre sur le Carnaval, vous n’avez qu’a écrire un livre sur le foot » me dit-il.

– Moi ? Comment ? C’est impossible. Et puis j’ai dit oui.Le défi était tentant.  Et comme je pars toujours de mon écoute pour écrire, je suis allée interviewer quelques brésiliens et quelques étrangers sur le foot brésilien, quelques uns des meilleurs . Parmi les brésiliens :  Socrates, Zico, Gilmar, Bellini, Rai et même Leônidas da Silva, l’auteur du but par coup de pied retourné,  qui était encore vivant et que les français ont si joliment surnommé  Diamant Noir. Parmi les étrangers, j’ai interviewé  Brindisi, argentin , Forlan, uruguayen, Rossi et Gentili, italiens, Beckenbauer, allemand, Luis Fernandez, Kopa, Fontaine, Piantoni et Platini, qu’a fait délirer le Brésil par la beauté de ses buts.

Tous ceux que j’ai écouté m’ont laissé entendre que notre football se range du côté de l’art. Socrates m’a par exemple dit que le foot c’est un spectacle et qu’il fallait mettre le public de son côté pour tenir la forme. Pour Zico, nos joueurs n’ont pas de résistance, mais ils compensent ce manque par la créativité. Il a mis en valeur le sens de l’improvisation, raccontant que Pelé imaginait un coup et l’essayait à l’entraînement pour savoir si ça marchait vraiment.

D’après l’uruguayen Forlan la charactéristique des joueurs brésiliens c’est la créativité.  Pour Rossi,  les sud-américians jouent traditionellement en marquant par zone, alors que les européens jouent en marquant l’homme, ce qui a le défaut de priver l’adversaire de l’espace suffisant pour qu’il puisse montrer son talent. Quant à Beckenbauer il a déclaré  qu’au plan strictement techinque, celui de l’aptitude à travailler la balle, les Brésiliens sont les meilleurs.Cette admiration est partagée par Fernandez : «  La  technique des brésiliens, leur maîtrise du ballon, me laissent toujours en extase »

Les français sont  aussi très sensible au foot brésilien . Voilà ce qu’a dit Just Fontaine : « C’est d’abord un football où le jouer domine le ballon .L’aisance technique permet ensuite d’être plus clairvoyant, car le ballon n’est plus une préocuppation. De plus la beauté passe avant l’efficacité et à chaque fois que les brésiliens ont su allier les deux , ils sont devenus champions du monde .» Pour Michel Platini, ce qui rend compte de la particularité du foot brésilien c’est le mélange de cultures et de races qui apporte une diverstié exceptionelles.

Il a raison,  mais ce mélange on le trouve aussi dans d’autres pays et je crois plutôt à l’explication que m’a donné le brésilien Rai que j’ai interviewé à Paris : « Quand un enfant brésilien commence à jouer au football, c’est avant tout pour  jouer et non pour  gagner la compétition. Le rêve de tous les enfants brésiliens c’est de porter le maillot de la Seleção et quand on atteint cet objectif on sait que l’on se retrouve dans une situation rêvée par tout un peuple . Je n’oublierai jamais le moment où nous avons ramené la Coupe du monde au Brésil en 1994. Tout un pays nous attendait, c’était fabuleux. »

Quand j’ai écrit Le pays du ballon rond, je me suis demandé qu’est ce qui a fait que le foot bresilién soit un jeu dont on rêve. Qu’est ce qui fait qu’il soit  inoubliable.  Et je pense avoir trouvé la réponse par l’analyse de la culture brésilienne et la façon dont notre identité se constitue.

La culture française privilégie le droit, l’anglaise le fairplay et l’espagnole l’honor . Nous, Brésiliens, nous privilégions le brincar, c’est à dire, en un mot, toutes les formes de « jeu » : jouer, s’amuser, se divertir, folâtrer, badiner et même faire l’amour. Quoiqu’il arrive, nous jouons, parce que, pour faire, nous pouvons nous passer de tout, nous n’avons besoin que de l’imagination. C’est d’ailleurs ce que dit notre samba. Ecoutez-la :

         Avec ou sans tambour :
         He,hé,hé,hé joue.
         Avec ou sans argent
         hé,hé,hé,hé,je joue

Nous pouvons nous passer du tambour comme de l’argent parce que nous sommes capables d’improviser ce que nous souhaitons, en profitant de ce qui est à la portée de notre main.Les Brésiliens, quelle que soit leur classe sociale, sont des as de l’improvisation, laquelle à la limite peut être considérée comme un trait culturel.

Le luxe de la culture brésilienne, c’est l’imagination, comme l’a si bien dit un de nos grands carnavaliers, Joãozinho Trinta.