extrait

En tailleur, et bonnet jusqu’aux oreilles bien sûr, j’arrivai enfin à Paris. Où est donc passé mon négrillon? Et pas même un porteur ! Trois valises pour tenir mon rang, et ne voilà-t-il pas qu’il me fallait en pousser une du pied et traîner les deux autres, alors que je ne faisais même pas mes bagages! Surtout, Maria, n’oublie rien… Je compris vite que mon encombrant équipage de cuir corroyé était démesuré, mais je mis des années à le troquer contre une légère valise en synthétique montée sur roulettes, et des années encore pour apprendre à me passer d’un porteur.


résumé

L’héroïne, Sériéma, est la petite-fille d’émigrés libanais établis au Brésil. Dans ce roman, elle se remémore l’histoire de ses ancêtres et sa cure chez un célèbre docteur parisien, confident de tous les arrachements et de toutes les diasporas.

Le divan du psychanalyste permet de découvrir le drame actuel et universel de l’immigration et de ses effets. Gain, ou perte, ou autre chose, se demande Sériéma à propos de l’immigration. Faut-il renier ses origines pour s’intégrer à son nouveau pays quand on est fils d’immigrants ? Et le métissage ? N’est-il pas déjà notre patrie à tous – la vôtre, la mienne et celle de nos enfants?

Autre thème : l’amour de la langue maternelle, et son lien tellement brésilien à la musique. Car Sériéma nous vient du pays de la samba et du rire libérateur. Elle manie l’humour autant que l’ironie, sans jamais s’épargner, dans une écriture toujours limpide.


historique

Ce texte a été publié pour la première fois au Brésil en 1991 par les éditions Siciliano. Il a été adapté en français six ans plus tard et publié aux éditions de l’Aube. L’adaptation française a conduit l’auteur à retravailler ce livre en portugais pour l’édition définitive, publiée au Brésil par la Record en 1999. Outre l’édition française du livre, il existe aussi une édition espagnole (Argentine) chez Homo Sapiens. Les droits d’adaptation cinématographique ont été acquis en 2019 par le réalisateur américain Richard Ledes. Le tournage a été fait avec David Patrick Lynch dans le rôle de Lacan et Ismenia Mendes dans celui de Seriema. Le film s’appellera Adieu Lacan.


points de vue

Brésil

« Pour se faire labelliser par la pensée brésilienne, Sériéma s’en va consulter un Docteur très parisien. Tout ça sur fond de Sorbonne triomphante et de haute couture. Le scandale court en filigrane du texte. Le bonnet de l’héroïne et l’élégance cérémonieuse, façon Jean Genet, de son interlocuteur font contrepoint au « sérieux » du perroquet (…). C’est nous tous qu’elle couche sur le divan de son « psy ». »
José Celso Martinez Correa, directeur du Théâtre Oficina, dramaturge et auteur de Cacilda Becker. A Folha de São Paulo, 7 septembre 1991

France
« Le Docteur appelle Sériéma ma soeur. En la nommant ainsi, je me demande si ça ne se rapporte pas à la manière dont le Docteur du roman, le docteur Lacan, désigna la langue étrangère, la langue de l’inconscient. C’est affirmer que cette langue est la soeur de l’homme, sa lyre, la langue qui lui permet de s’ouvrir à la dimension musicale des mots, qui si souvent lui échappe et qu’une femme peut lui rendre. »
Alain Didier-Weill, psychanalyste et dramaturge, auteur de Les Trois Coups de la Loi. Présentation du livre à la Maison de l’Amérique Latine à Paris.

« Ce qui m’a séduite dans ce livre, c’est le fait que Betty Milan ait restitué d’une manière toute à fait passionnante le style de Lacan comme analyste. Oui, pour moi le Docteur du roman est Lacan. Personne avant elle n’avait transmit l’esprit d’une séance avec Lacan. L’entrée de Sériéma en analyse a quelque chose de merveilleux. Elle résulte de l’efficacité de la techinique psychanalytique et montre le pouvoir de cette technique quand elle devient un art. »
Catherine Millot, psychanalyste, auteur de Vocation de l’écrivain et Gide, Genet, Mishima. Présentation du livre à la Maison de l’Amérique Latine à Paris.

« L’histoire peut être ramenée, dans la simplicité qui émerge en toute oeuvre forte, du foisonnement des thèmes et de la complexité qui est celle de la vie même, à une proposition: Sériéma s’en va chercher son âme dans la capitale de l’esprit; elle y découvre que son âme est au pays et que l’esprit souffle partout. »
Michèle Sarde, auteur de biographies remarquées – dont Vous, Marguerite Yourcenar – a écrit la postface de l’édition française de ce roman.

Argentine
« Le Perroquet et le Docteur se compose de fragments parce que son auteur n’a pas écrit son livre en ne développant qu’une seule idée du début à la fin, un livre qui suit une ligne droite … Mais pourquoi Betty Milan construit-elle sa narration en deux niveaux? Pourquoi le niveau de l’analyse proprement dite d’un côté et de l’autre la remémoration de ses ancêtres émigrants? Pourquoi ces zigzags? Tout simplement parce que les latino-américains débarquent tous d’un navire. Y compris les Indiens. Tout le monde est métis en Amérique latine et, de ce fait, nous avons une manière oblique d’occuper l’espace.»
Alicia Dujovne Ortiz, romancière argentine, auteur de Eva Peron. Jornal do Brasil

« Le livre Le perroquet et le docteur montre qu’il est possible d’échapper au maktoub pour écrire une histoire personnelle. »
José Manuel Ramirez, psychanalyste. Psicologia, 4 mai 2000.

Belgique
« Sériéma, l’héroïne, retourne avec une force étonnante la destinée de Don Quichotte; le jour où il renonce à ses chimères, celui-ci meurt; le jour où elle fait de même, c’est qu’elle est devenue mûre pour vivre vraiment. En ce sens, Le Perroquet et le Docteur est un roman qui fait du bien. »
Pierre Maury, critique littéraire, Le Soir de Bruxelles, 18 mars 1997.

Portugal 
« Il s’agit d’un livre passionnant. Toujours et en même temps très intelligent, très amusant, très théorique et brillamment écrit. J’ai éprouvé du plaisir du début à la fin, et volonté et plaisir de dialoguer. »
Eduardo Prado Coelho, écrivain, ancien attaché culturel du Portugal à Paris. Présentation du livre à l’Ambassade du Brésil à Paris

« Derrière l’histoire de Sériéma, c’est toute l’histoire du Brésil, histoire de ses autres immigrations, l’histoire du Portugal, unique royaume européen qui un jour traversa l’océan et dont le prince établit la capitale à Rio et pour deux décennies… La force de ce roman, Le Perroquet et le Docteur, est de nous introduire dans notre exil à chacun de nous. »
Maria Isabel Barreno, écrivain portugais, auteur, entre autres, du livre Le Maître des îles. Présentation du livre à l’Ambassade du Brésil à Paris


champs de recherche

Littérature / Psychologie clinique (description d’une analyse chez Jacques Lacan) / Histoire et sociologie / Etudes sur le Brésil


critique

Postface
Michèle Sarde