Betty Milan

 

Betty Milan est née dans un quartier du centre de São Paulo, mais a passé son enfance à Vila Esperança, dans la banlieue, un autre monde. C’est sans doute pourquoi elle s’est intéressée très tôt à la culture populaire et s’est partagée entre la France et le Brésil.

A dix-huit ans, elle passe le concours d’entrée de la Faculté de médecine de l’Université de São Paulo avec le projet déjà affirmé de devenir psychiatre. Elle ne néglige pas pour autant les humanités et devient auditrice des cours de la Faculté de philosophie et des lettres où elle fréquente les grands intellectuels français comme Michel Serres, Michel Foucault, Gérard Lebrun, qui lui donnent l’envie d’approfondir sa connaissance de la culture française.

Diplômée en 1968, elle entame sa spécialisation en psychiatrie et effectue des stages dans différents hôpitaux du Brésil, dont le fameux Juqueri, et en Ecosse dans la communauté thérapeutique de Maxwell Jones. Simultanément, elle étudie le psychodrame et la psychanalyse, et s’exerce à leur pratique.

En 1969, elle rencontre Zerka Moreno au Congrès de Psychodrame de Buenos Aires et part étudier aux Etats-Unis, à l’Institut Moreno de Beacon, dans l’Etat de New York. Elle aura l’occcasion de travailler directement avec Zerka Moreno au Public Theater de New-York. De retour au Brésil, elle écrit Le jeu de cache-cache, où elle questionne le psychodrame en ce qu’il a de volontariste, manifestant ainsi l’esprit critique qui la caractérise.

A l’âge de 27 ans, elle soutient sa thèse de doctorat en psychiatrie devant la Faculté de médecine de l’Université de São Paulo et, l’année suivante, se rend en France pour s’y faire analyser par Jacques Lacan, dont elle deviendra la traductrice et l’assistante à l’Université de Paris VIII.

Sa rencontre avec ce grand personnage sera décisive : elle y apprendra à ne pas imiter le Maître et à valoriser sa propre singularité. De cet enseignement, elle tirera en 1991 un roman intitulé Le perroquet et le docteur, traduit en 1997 en français et en 1998 en espagnol. Il eut des effets dans un certain nombre de pays : le Brésil, le Portugal, la France, la Belgique, le Liban et l’Argentine, en raison sans doute du degré de liberté qu’il prône par rapport au maître et à l’ancêtre.

Un peu avant d’achever sa formation de psychanalyste et de rentrer au Brésil, en 1981, Betty Milan écrit son premier roman, Le sexophuro, salué par la critique de São Paulo. Avec ce livre, elle se lance dans la voie de la littérature.

Son séjour en France lui a donné l’occasion à la fois de se spécialiser en psychanalyse et de maîtriser la culture française. De la faire rêver encore au pays natal, renouvelant l’intérêt qu’elle portait à sa culture.

De retour au Brésil, elle va se consacrer à la formation de psychanalyste et ouvrir un cabinet de consultation. Parallèlement, elle va conduire une recherche de terrain sur le Carnaval, dans le cadre des activités du Collège Freudien de Rio de Janeiro, qu’elle a fondé en 1975 avec son confrère Magno Machado Dias, association qui occupera une place importante dans la diffusion de la théorie lacanienne.

De cette recherche dans les Ecoles de samba de Rio sortira en 1988 un livre intitulé Dans les coulisses du carnaval. Ce livre est précurseur en ce que le discours des carnavaliers y est pris au sérieux pour la première fois au Brésil. Au cours de son enquête, Betty Milan rencontrera Joãozinho Trinta qui lui parlera de la culture du jeu, laquelle conduira l’auteur à en faire un véritable concept et à montrer l’importance de cette culture dans l’originalité de son pays. Aussi fondamentale que peut l’être la culture de l’humour en Angleterre ou de la règle en France.

Betty Milan voit dans le jeu un recours de la civilisation et une marque de la culture brésilienne. C’est dans cet esprit qu’elle écrit son essai sur l’amour, distinguant la passion de l’amour à la manière de Tristan et Iseut de la passion du jeu, qui est l’amour à la brésilienne et qui trouve son expression la plus accomplie dans le chef-d’œuvre de Mario de Andrade, Macounaima. Cet essai sur l’amour, publiée en 1983, dans la collection Primeiros Passos (Premiers Pas) des éditions Brasiliense, avec pour titre Et qu’est-ce que l’amour? fut immédiatement une source de polémique et lui valut dans la presse plus d’encre qu’il n’en contenait lui-même. Plus tard, l’un des chapitres de ce livre, devenu best-seller, fut porté au théâtre, sous le titre de Passion. Cette pièce était interprétée par Nathalia Timberg sous la direction de Wolf Maia, avec une musique de Júlio Medaglia. Elle a été jouée dans presque tous les Etats du Brésil. Elle existe aussi sous forme de CD, grâce au Musée pauliste de l’Université de São Paulo.

En 1985, Betty Milan organise avec le Collège Freudien de Rio un congrès qui réunit autour du grand anthropologue Gilberto Freyre l’élite intellectuelle du Brésil, toutes spécialités confondues. Puis elle retourne en France avec l’intention marquée d’y affirmer son écriture.

Paris alors n’est plus la ville de sa formation de psychanalyste, mais bien celle de son exil volontaire d’écrivain. C’est dans son roman Le perroquet et le docteur qu’elle racontera la saga de l’immigration libanaise au Brésil comme sa rencontre avec le Docteur, personnage romanesque que seul Jacques Lacan pouvait inspirer. Elle travaillera pendant neuf ans à ce livre, dont quatre consacrés à l’écriture proprement dite – de 1985 à 1989 – et les cinq autres, de 1990 à 1995, à l’adaptation du livre en français et au suivi de sa traduction par Alain Mangin.

Dans la même période, elle écrit d’autres textes. D’abord, l’essai intituléBrésil, pays du ballon rond,salué par le Jornal do Brasil en première page de son Supplément. Traduit et édité en France en 1998, pendant la Coupe du Monde de Football, ce livre sera joliment reçu en France et sélectionné par le Nouvel Observateur.

De 1991 à 1994, elle écritLa passion de Lia, roman où se mêlent érotisme et lyrisme. La critique saluera ce livre pour sa délicatesse et son imagination.

Avant de publier son roman Le perroquet et le docteur en 1997, Betty Milan va écrire une série de 29 chroniques sur Paris qui paraîtront dans le Jornal da Tarde et seront réunies en 1996 par les éditions Record pour devenir Paris ne finit jamais. Succès de librairie au Brésil, ce livre fut traduit en français et en anglais avant d’être édité par 00h00.com, premier éditeur de livres on line. Notons que la version française est de l’auteur lui-même. En 2004, il est traduit en chinois et publié à Pékin.

A partir de 1993, elle met à profit son séjour parisien et son expérience des grands journaux brésiliens pour se lancer dans de grandes interviews d’artistes et d’intellectuels, français pour la plupart, qu’elle publie dans le Mais de A Folha de São Paulo à laquelle elle collabore depuis 1980. Ainsi a-t-elle l’occasion de s’entretenir entre autres avec Nathalie Sarraute, Octavio Paz, Michel Serres, Jacques Derrida et Françoise Sagan. Ces interviews seront réunies en 1996 sous le titreLa force de la parole par la Record, qui devient son éditeur attitré.

Dans le même esprit, A Folha de São Paulo lui commande dix interviews sur le XXème siècle, à savoir la Ville, la Guerre, la Terre, l’Emigration, la Vie, Les Femmes, le Sexe, la Langue, l’Art, la Communication. Ces entretiens conduits auprès de grands intellectuels européens sont accessibles sous le titreLe siècle, et valent à son auteur en 1999 le prix de l’Association Pauliste des Critiques d’Art.

En 1998, Betty Milan compte au nombre des auteurs qui participent au Salon du Livre de Paris, dont le Brésil est l’invité d’honneur. Elle a l’occasion d’y « lancer » les versions françaises de deux de ses livres,Les coulisses du carnavalet Le pays du ballon rond, publiés aux éditions de l’Aube.

L’auteur a participé depuis 1994 aux travaux du Parlement International des Ecrivains, à Strasbourg, et a convaincu la ville de Passo Fundo, au Brésil, de s’offrir comme une des villes-refuge du Parlement.

Entre 1996 et 2000, Betty Milan va écrire L’éclat, roman de sagesse sur le thème de l’amitié et de la mort. Il sera publié en 2001, et à cette occasion réunira de nombreux artistes sous la bannière de l’Amitié au troisième millénaire. Le livre a été adopté par les Secrétariats à l’Education de São Paulo et Goiania, et suivi par la publication du Petit livre de l’ami, spécialement conçu pour les élèves du primaire.

En 2002, année où elle propose un chat sur Internet, elle adapte La passion de Lia pour le théâtre, texte lu à l’auditorium de A Folha par Julia Gam, avec la direction de José Celso Martinez Corrêa, du Teatro Oficina. En novembre 2003, elle lance son roman L’amant brésilien, en partie inspiré du chat. Ce roman, également adapté au théâtre, est joué au Teatro Oficina en août 2004.

En 2005, elle écrit la pièce Brésilienne de Paris, lue à l’auditorium de A Folha, le 8 mars 2006, Journée internationale de la Femme, avec la direction de Marcello Drummond. Après avoir collaboré pendant 25 ans avec A Folha de São Paulo, elle devient chroniqueur du journal en 2005, ou elle répond à des questions sur l’amour, le sexe, la mort. En 2007, certains textes de sa chronique sont réunis par la Record dans le livre Parle-lui, avec de grandes répercussions dans la presse. Le magazine Veja invite alors l’auteur à tenir le courrier sentimental de son édition on-line, et elle devient chroniqueur de Veja.com.

En 2008, elle lance Quand Paris scintille, qui réunit 33 chroniques écrites à Paris, mais inspirées de différentes villes du monde où l’auteur s’est rendu – Oslo, Istambul, Thessalonique, Pékin, Dun Huang, Madras, Ouro Preto, New York. Simultanément paraît une édition revue et corrigée de Paris ne finit jamais.

En 2009, l’activité de l’auteur trouve diverses applications. Sur Internet, la revue culturelleAgulha a mis en ligne quelques uns des interviews du Siècle et de La force de la parole, dont l’édition est épuisée. En mai, Veja l’invite à devenir chroniqueur du magazine, où elle tient une chronique mensuelle. Une nouvelle œuvre littéraire est lancée en aout, Consolação. Au théatre, apres la lecture à Sao Paulo de Brésilienne de Paris a l’Oficina, en janvier 2008, dirigée par Marcelo Drummond, une lecture-pupitre de Adeus Doutor a été donnée en octobre 2009, a Paris, au Théatre du Rond-Point, sous la direction de Jean-Luc Palies. Deux autres lectures-pupitre ont ete données a Sao Paulo, l’une en mars 2010, au SESC Santana, avec Bete Coelho et Zé Celso, l’autre en aout 2010 a l’Université de Sao Paulo (ECA), avec les étudiants du Département Théatre dirigés par Jean-Luc Palies.

En 2011 a été lancé Quem ama escuta (Qui aime écoute), qui réunit les meilleures chroniques du Courrier sentimental publiées sur Veja.com. L’ouvrage a rencontré un large écho dans la presse nationale. En 2020, le livre a été traduit et publié en France par les éditions Eres sous le titre « De Vous à Moi ».

Adaptation des chroniques les plus vivantes du livre, La Vie est un Théâtre a été écrit en 2012, mis en scène par le groupe Vozes au Teatro da livraria da Vila de São Paulo et presenté au Congrès littéraire Fliporto à Olinda. La même année, les éditions Record ont publié une édition revue et augmentée de La force de la parole.

L’année suivante, Lettre à mon fils a été lancée à São Paulo avec un grand écho dans la presse, et saluée par l’historienne Mary del Priore comme la première autobiographie publiée par une femme auteur au Brésil.

En 2014, année de la Coupe du Monde au Brésil, l’essai Au Pays du ballon rond a été réédité avec une nouvelle préface de l’auteur. Avant de l’écrire, Betty Milan a rencontré Michel Platini, qui lui a déclaré que le Brésil est le pays du ballon rond par excellence, car « il est aussi important pour les supporters du monde entier d’aller au Brésil que pour les musulmans de se rendre à la Mecque ».

L’année 2015 est celle de l’édition de Teatro Lirico/ Teatro Dramaticochez Editora Giostri, qui rassemble en un seul volume les pièces lyriques et dramatiques de l’auteur. Elle a été suivie en 2016 par l’édition de A Mãe Eterna, qui a connu un grand succès auprès de la critique comme sur le marché. La première édition du livre a été tirée à 8000 exemplaires et l’ouvrage est très vite entré dans les meilleures ventes.

Baal a été présenté en avant-première le 8 juin dernier à Beyrouth où l’auteur – qui a écrit deux livres autour de la diaspora libanaise – a été distinguée par le Ministre libanais des Affaires Etrangères (photo) « pour sa contribution au pays de nos ancêtres ».

Officiellement a été lancé à São Paulo le 18 juin 2019 à la Librairie da Vila et à Rio de Janeiro, le roman a été lancé à la librairie Travessa.

En 2018, Betty Milan a effectué aux Etats-Unis une série de conférences sur le thème diaspora et littérature (Georgetown University, Johns Hopkins University, New York School of Arts). En 2019, elle a participé à une rencontre internationale tenue à Beyrouth sur la terre de ses ancêtres (Lebanese Diáspora Energy) où elle a été distinguée pour sa contribution (photo).

En 2021, Lacan Ainda a été publié par la Companhia das Letras. Ce vingt-septième ouvrage de l’auteur a été lancé sous sa forme numérique en raison de la pandémie. Succès de librairie bien reçu par la critique, une seconde édition a été rapidement réimprimée. Traduit em français par Danielle Birck, avec le titre de Pourquoi Lacan, le livre a été lancé en France en septembre de la même année.

En 2022, Heresia, son vingt-huitième livre, a été lancé avec la participation du critique littéraire Manuel da Costa Pinto et de Rodrigo Lacerda, éditeur exécutif de la Record.